Gilgamesh

De Michel Garneau

Le texte ci-dessous est celui de l'article de René Lord, journal Le Nouvelliste, 15 mai 1980.

Avec "Gilgamesh", les Nouveaux Compagnons de Notre-Dame entreprennent un tournant décisif. Ils viennent, de toute évidence, de réaliser leur meilleur spectacle depuis leur fondation, il y a trois ans. Ils faut bien dire 'enfin', une production à la mesure de ce que le public est en droit d'attendre d'eux.

Il y a bien eu au cours de ces trois années des pièces intéressantes chez les Compagnons et quelques interprétations valables, mais dans l'ensemble avouons que la troupe a mis du temps et de l'argent avant de commencer à s'articuler sérieusement.

Mais, cette fois, ça y est. Grâce à un comédien professionnel, Reynald Robinson qui a agi comme metteur en scène, les Compagnons ont pu dépasser leur limites et faire de "Gilgamesh" une production d'envergure. Et ce, même si l’œuvre de Michel Garneau a de quoi faire frémir n'importe quelle troupe d'amateurs.

Cette pièce inspirée du plus vieux récit de l'humanité raconte comment le héros Gilgamesh et son ami Enkidou tente en traversant diverses épreuves de connaître le secret des dieux. C'est une œuvre chargée d'émotions qui malaxent vigoureusement les plus vieux mythes du monde. Une pièce toujours actuelle puisque les préoccupations des humains dans ce domaine n'ont guère changé. Michel Garneau a réécrit le texte dans un langage poétique à la fois clair, évocateur et rythmé.

Reynald Robinson a choisi de monter "Gilgamesh" d'une manière qui respecte la solennité du sujet mais qui soit en même temps dynamique. L'aventure comportait bien sûr plusieurs difficultés : apprendre à des comédiens peu habitués à la scène à aborder un genre aussi dépouillé, les initier aux récitatifs et aux mouvements de groupe. Mais il faut admettre que dans l'ensemble les Compagnons ont réussi à relever dignement cet immense défi. Ils ont réussi à rendre vraiment théâtrale, c'est-à-dire visuelle et mouvementée, une œuvre plutôt conçue pour la récitation statique. Même si le sujet comporte des passages graves, les comédiens réussissent à conserver l'attention du public. Ils réussissent à établir une qualité peu commune de communication. N'est-ce pas l'essentiel du théâtre?

La musique de Pierre-Michel Bédard vient apporter un support de première importance à l'action dramatique. Elle crée de véritables incantations, d'intenses progressions de sentiments. De son côté, le metteur en scène, Reynald Robinson, a imaginé des effets visuels vraiment fascinants, notamment lors de la colère d'Histar qui envahit littéralement toute la scène et de l'apparition lumineuse de l'âme de Enkidou.

Bien sûr, les comédiens affichent quelques faiblesses de diction et de portée de voix, ainsi qu'un certaine insécurité lors des changements de costumes. Mais dans l'ensemble, ils parviennent à soulever l'auditoire par leur ferveur et leur souffle. Le spectacle apparaît somme toute comme un ensemble d'impressions visuelles et sonores qui sont autant d'amplificateurs capables de ranimer en nous le vieux chant du poète antique.

Centre culturel de Trois-Rivières
Les 16, 17 et 18 mai 1980 à 20 h 30
Centre culturel de Shawinigan
Le 31 mai 1980 à 20 h 30
Mise en scène
  • Reynald Robinson
Comédiens
  • Andrée Côté
  • Pierre Gosselin
  • Pierre Leblanc