Les voisins

De Claude Meunier et Louis Saïa

Trois couples, dont un est allé dernièrement en Europe. Une soirée de diapositives s'organise (pas nécessairement à la joie de tous). On assiste aux préparatifs, aux hésitations. On entre aussi dans l'intimité de deux de ces couples au prises avec chacun un adolescent et avec leur propres "bibites". Tout y passe, de la cellulite à la difficulté de communiquer. Puis, c'est la rencontre! Mais que peut-on se dire quand on n'a rien à se dire ni à dire?

Sous des dehors pas sérieux du tout, se cache une satire sociale assez juste, hélas!


Critique de Roland Héroux du Nouvelliste :

Les NOUVEAUX COMPAGNONS terminent en beauté leur saison

LES VOISINS! Fin de saison des Nouveaux Compagnons. Salle remplie. Qui réagit. Que secoue le rire. Retour d'une jeunesse majoritaire. Soir de première, beau vendredi. La prévente avait été encourageante. Le public quitte le Centre culturel comblé. "Je vais en parler à nos voisins. Cela va sûrement les intéresser”.

André Poulin croit à la comédie de Claude Meunier et Louis Saia. Il y voit une formidable critique de nos comportements les plus quotidiens. C'est assurément ce qu'ont aussi pensé bien des spectateurs. Certains commentaires donnent à croire que, vendredi, il en a été comme de bien d'autres soirs des gens ont reconnu des voisins, sans y voir leur image à eux, leurs propres travers, leurs propres problèmes C'est sans doute le propre d'une telle comédie de vous faire découvrir ce qui ne tourne pas rond chez «vos» voisins tout en continuant à ne pas vous imaginer tels qu'eux-mêmes.

Qu'on s'amuse au langage ou aux situations, on se rend compte que cette critique de mœurs reste actuelle, parle à tous les publics. Cette satire de nos mœurs exploite une situation dite évoluée où les "gadgets" de la communication n'ont jamais été aussi développés, multipliés, sophistiqués. À ce point qu'on a comme jamais encore tout ce qu'il faut pour échouer à sauver la face. On ne s’est jamais autant évertué à se convaincre qu'on s'amuse. On ne s'est peut-être jamais autant embêté à se rencontrer. La communication est exclue comme cela ne se peut pas.

N'osons pas prétendre que ceci est caricatural. À peine! Réalité à peine grossie. Juste assez pour faire rire et faire réfléchir. Mais va-t-on continuer à rire et à peu réfléchir? Comme on peut être inconséquent et impitoyable quand il s'agit de soi! Le vide intérieur ne finit pas de nous hanter. La vie, quelle solitude, avec ses engrenages d'habitudes, de préjugés, de clichés! L’insignifiance nivelle tout ce qui pourrait avoir un sens. On ne consacre plus le temps à des choses utiles: on s'épuise à le gaspiller. Peut-être écrira-t-on un jour "À LA RECHERCHE DU TEMPS GASPILLÉ"?

André Poulin laisse le texte, qu'il juge très fort, travailler par sa propre force. Sa mise en scène. personnelle, sobre à souhait, le laisse libre de diriger ses comédiens. Il le fait avec tact, discrétion, mesure.

Ceux-ci ont d’ailleurs talent et métier à revendre. L’équipe technique qui s'affaire avec Poulin et les comédiens contribue à faire un spectacle percutant d'une pièce qui a plusieurs de ces qualités qui assurent de ne pas vieillir prématurément. Le débit est des plus animés, le tempo souvent explosif. Vu l'impact du texte, on aimerait tout saisir. Si c'était possible!

Quel metteur en scène n'ose pas tout espérer d'un trio comme celui de mesdames Lambert, Lebel et Voisard (Luce, Janine, Laurette) et de cet autre trio Lampron-Dallaire-Marquis (Bernard, Georges, Fernand)? Ne vous gâte-t-on pas, M. Poulin?

LES VOISINS, pièce de la non-communication. Chez une même génération. Et d'une génération à l'autre. Face à ceux qu'on appelle peut-être encore les croulants se dresse l'adolescence de Suzy (Julie Désilets) et de Junior (Eric-Michel Hallée). Duo qui ne passe pas inaperçu. La révolte qui pointe. Celui qui se cherche...

La pièce est drôle. Il y a soirée chez Janine et Bernard. Elle se prépare déjà au pied de la haie, au magasin, chez le coiffeur, à la cuisine. Qui vient, vient pas? Georges brûle d'aller s'y embêter. Laurette résiste, traquée, à l'idée de s'embêter encore plus que chez elle. Les trois couples y seront. Chacun plus seul qu'en sa seule solitude. Cardiaque, Fernand boit trop. Luce le lui reproche. En fait, il s'écroule. Mourra-t-il? Soirée à l'eau! C'est là le drame!

Chacun parle. Rien n'a de suite. C'est absurde. Ce qui se dit n'exprime rien de ce qu'on voudrait dire. Junior et Suzy entrent en coup de vent. Bernard avait un absolu. Sa haie. Il l'avait "allaitée". Junior l’a arrachée. Avec l'auto. Bernard annonce qu'il se pendra au petit jour. Janine le prévient: "Éteins les lumières avant d'aller au lit"...

Belle ovation pour André Poulin, les comédiens, l'équipe technique. Il y a reprise jeudi, vendredi, samedi (en soirée) et dimanche (matinée). Il faut voir.


La pièce a été présentée lors du Festival du Cochon de Sainte-Perpétue.

Centre culturel de Trois-Rivières
Les 10, 11, 12, 16, 17, 18 et 19 avril 1987 à 20 h 30
Théâtre du Chemin du Roy de Louiseville
Cégep de Trois-Rivières