Monsieur Masure

Monsieur Masure

De Claude Magnier

Dans le programme, Louis-Philippe Poisson écrit :

Les Compagnons de Notre-Dame présentent aujourd'hui, au public trifluvien, le premier spectacle de leur 50e saison artistique. Pareille fidélité au service du Théâtre est un fait unique, au pays, dans les annales des troupes amateurs. Depuis 1920, il s'est toujours trouvé quelqu'un pour lever le rideau sur un spectacle des Compagnons à Trois-Rivières. Ce cinquantième signale une continuité dans l'effort, une contribution tout à fait particulière à la conservation et à la diffusion de la culture française au Québec. De plus, ces noces d'or indiquent la voie à suivre dans l'orientation linguistique réservée aux Canadiens français dans une province à la recherche de sa personnalité nationale, de sa dignité communautaire et de son avenir économique.

Depuis 1920, les Compagnons ont présenté tous les genres de pièces, de la comédie à la tragédie, du boulevard au classique, du policier à la thèse. Cependant, ils ont surtout affectionné la comédie parce qu'elle répond mieux aux goûts de son public. Une enquête, auprès des spectateurs, en 1953, a confirmé cette préférence. Le rire étant le propre de l'homme, il est facile d'accorder une place prépondérante sur la scène à ce moyen d'expression des sentiments humains.

Les Compagnons croient que Monsieur Masure, par sa légèreté, ses cocasseries, son allure désinvolte, ne dépare pas un anniversaire aussi important, aussi riche, aussi grave. Ils demeurent fidèles à leur passé en présence d'un auditoire qui les a assidûment encouragés.

Le nomadisme des Compagnons, depuis la perte de leur foyer à la Salle Notre-Dame, leur impose des restrictions, des austérités dont ils aimeraient pouvoir se dégager. Ce cinquantenaire devrait être le point tournant [sic], l'occasion tant attendue d'une nouvelle ère de prospérité, soulignée par l'apport d'un "foyer" stable qui leur apporterait les bienfaits du sédentisme [sic], si nécessaire à une telle troupe. C'est ce que nous souhaitons de tout cœur.


La pièce fut précédée d'un prologue écrit par Yvon Marchand et interprété par Julien Buisson.


Dans le Nouvelliste du 18 mars 1970, René Lord écrit :

"Non, les Compagnons ne doivent pas mourir". Et le rideau s'ouvre sur une cinquantième saison pour cette troupe, une des plus prestigieuses du théâtre amateur québécois et qui fait la fierté de Trois-Rivières.

Une anniversaire sans trop d'exhubérance, réaliste. Dans un prologue d'Yvon Marchand, qui rejoint toute l'emphase du théâtre, et qu'interprète admirablemetn Julien Buisson, l'acuité des problèmes actuels de la troupe, principalemetn l'absence de local, se mêle à l'évolution d'un passé glorieux.

Et c'est le début de "Monsieur Masure", comédie en cinq actes de Claude Magnier. Du bon vieux vaudeville dilatateur de rate, qu'on ne peut s'empêcher de regarder avec une sympathie même bienveillante, malgré ses jeux de mots faciles et ses coups de théâtre usés : arrivée inopinée du mari surprenant l'épouse et l'amant "en flagrant délit dans le lit".

Mais l'intérêt principal de la pièce tient dans le caractère même du personnage de Masure, bonhomme rusé, sournaois, séducteur, un mélange de Scapin et de Tartuffe servi à la moderne. Ce rôle, Roméo Robert le rend merveilleusement avec une mimique très expressive et le talent d'un grand comédien.

Claudette Girard, l'épouse, donne une interprétation juste et constante: ce qui n'est pas le cas de Louis-Philippe Poisson qui connaît des moments remarquables et d'autres passagers qui semblent le rebuter.

La mise en scène est bien orchestrée, les déplacements se font sans heurt, les rouages sont bien huilés. Mais tout cela semble un peu terne. Comme il s'agit d'une véritable farce, et non d'une tragédie souriante, on aurait pu sans crainte grossir, amplifier les effets. Par exemple, lorsque le mari surprend les amants, on aurait pu assister à une panique même "exagérée" et non à une réaction strictement logique ou normale.

Les décors de Jacques Trudel: fonctionnels, bien faits, colorés.

Après la représentation, une question demeure: Pourquoi les Compagnons, une des troupes amateurs les plus importantes du Québec, reviennent-ils encore et toujours à ce genre de pièces qui n'offrent en somme que deux seules qualités: divertissantes et accessibles à un vaste public?

Mais cette question ne conteste en rien le fait que les Compagnons de Notre -Dame produisent dans ce genre un excellent travail et qu'ils peuvent assurément vous faire passer une très agréable soirée.

Centre culturel de Trois-Rivières
Les 14, 17, 21, 24 et 28 mars 1970 à 20 h 30