De Arlette Fortin
Dans Le Nouvelliste du 9 novembre 1990, André Gaudreault écrit :
Pour rire et s'attendrir avec les Compagnons
La compagnie de théâtre Les Nouveaux Compagnons entreprendra sa saison, à la mi-novembre, avec une pièce drôle et émouvante à la fois, Un moyen grand jour d'Arlette Fortin.
« On va rire au premier acte, et pleurer au deuxième », a dit en entrevue le metteur en scène de la pièce, Nicole Poisson-Trudel.
Si la pièce a de quoi émouvoir, et faire rire en même temps, c'est que l'action se passe dans un foyer d'accueil où vient d'entrer Edna, 75 ans et veuve. On va alors assister aux quinze premières journées d'Edna dans le foyer.
Au premier acte, nous est présenté le personnel, de façon caricaturale, il faut le dire. Tutoiement vis-à-vis de la nouvelle arrivée, violation de son intimité, trop grande familiarité du personnel qui la prend en charge comme une enfant, brusquerie. Si bien qu'Edna est déboussolée.« Cette pièce avait été commandée par l'Association des foyers d'accueil. Elle ne comprenait, au départ, qu'un seul acte. Une représentation avait été donnée par les Compagnons devant les intéressées qui s'étaient facilement reconnus », rappelle le metteur en scène.
« Et c’est un peu grâce à nous qu’Arlette fortin a ajouté un deuxième acte débouchant sur l’espoir », poursuit Nicole Trudel.
Notons qu’à la fin du premier acte, l’aumônier s’est entretenu avec Edna, la laissant s’exprimer. Elle ira jusqu’à dire « J'aimerais ça être vivante. Ici, je suis morte. »Mais au deuxième acte surgit Odilon, un homme solide de 70 ans qui deviendra facilement un familier d’Edna. « Il y a l’ennui et puis l’accoutumance, dira-t-il. Il faut cesser de rêver à un départ éventuel, cesser de rêver à des visites improbables. Il faut faire sa vie là où on se trouve. »
L’arrivée d’Odilon va réveiller un peu les pensionnaires, notamment Edna, qui reprendra goût à la vie. Elle ne demande qu'une chose : un fauteuil roulant, que le physiothérapeute hésite à lui accorder, de peur qu'elle désapprenne à marcher (elle fait de l’arthrite). « Mais pas du tout, dit-elle. Je vais continuer à marcher dans ma chambre, mais au moins, je pourrai sortir. »
Le physiothérapeute cédera en fin, et se préparera alors une fin heureuse et très émouvante pour le public, et que nous tairons volontairement.
Un moyen grand jour sera jouée les 16, 17, 22, 23, 24 et 30 novembre, à 20 h 30, au Centre culturel de Trois-Rivières, de même que le premier décembre à 20 h 30, et le 2 en après-midi, à 14 h.La distribution comprend Rolande Lambert (dans le rôle-titre), René Lavallée (dans celui d’Odilon), Marcel Rhéaume, Nicole Dutil, Janine Lebel, Mireille Gagnon, Baston Michaud, Mina-Louise Pellerin et Nicole Poisson-Trudel, qui assure également la mise en scène.
À propos de René Lavallée (Odilon), Nicole Trudel rappelle, dans un sourire, un événement savoureux survenu au cours de la conférence de presse annonçant la saison des Compagnons. Alors que s’avançait René Lavallée, l’auteur Arlette Fortin confia au metteur en scène : « Comme il ferait un bel Odilon », tout en ignorant que Lavallée allait justement incarner son sympathique héros masculin.
Puis, toujours dans le Nouvelliste, le 27 novembre suivant, une critique de Roland Paillé :
Quand l'amour et l'humour s'en mêlent
Les Nouveaux Compagnons fêtes 70 années de théâtre amateur à Trois-Rivières. Est-ce cet âge respectable qui a incité la troupe à présenter Un moyen grand jour d'Arlette Fortin ? En effet, cette pièce en deux actes traite des personnes qui, rendues à un certain âge, se retrouvent placées en foyer pour personnes âgées. Le moyen grand jour se veut une réflexion tragi-comique sur cette situation de notre société.
La pièce d'Arlette Fortin débute au moment où Julienne vient reconduire sa mère Edna au foyer. Comme on s'en doute, Julienne est plus impressionnée par les lieux que sa mère. « Y'a rien de trop beau pour vous, hein maman », dit une Julienne tout excitée, agitée même. Sa mère ne chante pas « O Canada » à l'idée d'avoir à finir ses jours dans une réplique de chambre d'hôpital.
Pour la majeure partie des deux actes, Edna refuse de s'adapter à son nouveau milieu.
Elle est confrontée à un personnel dominé par une extravagance ou même une redondance qui sont loin d'avoir un effet bénéfique sur la nouvelle « bénéficiaire ».
La rencontre d'Odilon sera un véritable tonique pour Edna. Tous les deux deviennent complices de leurs fantaisies. Odilon réussira là où tous les autres échouent : faire accepter à Edna sa situation en foyer. Odilon parvient en effet à faire comprendre à Edna qu'elle doit l'ennui qui la dévore et les figurations qui meublent ses jours de vieillesse par l’accoutumance d'une vie en institution.
Si le sujet n’est pas facile à traiter pour l’auteure, il est rafraîchi par l’humour mordant, insolite et même espiègle d’Edna qui allège ses angoisses.
Outre cet humour, qui nous rend Edna attachante, il y a d’autres passages cocasses qui soutirent le rire de la salle, comme lorsque l’aumônier vient réconforter une Edna dépaysée. C’est ainsi qu’elle s’amuse à changer les rôles et qu'elle force le prêtre à se coucher dans son lit (à elle).
Un autre volet qui ajoute au charme d’Edna est le langage qu’elle utilise. Elle forge des mots, ses formulations de phrases sont aussi pimentées, comme lorsqu'elle se demande : « Comment pourrais-je faire mon indépendante tout en me montrant assez légèrement intéressée », en faisant allusion à Odilon.
Le temps fort de la pièce est certes lorsque la mère et la fille se disputent de façon véhémente. Mais cette engueulade débouchera sur le renouveau d’Edna auquel Odilon l'avait conviée : l’acceptation de son sort.
Œuvrant dans un décor des plus réaliste de chambre de foyer. Rollande Lambert incarne le personnage d’Edna avec une exactitude parfois déconcertante. Il arrive aussi, par moments, qu’Edna ait des intonations et des mimiques qui ne sont pas sans rappeler Pauline Martin. Mais la caricature convient au personnage.
Le 2 décembre 1990 à 14 h